Seïfallah Sabbegh
Quand le cœur bat «rouge et blanc»
Le virus du ballon rond, Seïfallah Sabbegh, 28 ans, transitaire, l’a attrapé dès sa plus tendre enfance, dans le cocon familial. Pourtant avec un père stadiste et une mère fervente supportrice des «Sang et Or», rien ne le prédestinait, au début, à vouer cette folle passion sans limites, au Club Africain.
Le déclic viendra très tôt du côté d’un jeune oncle clubiste qui l’habille des couleurs du club et qui l’emmène, dès que l’occasion se présente, au café du grand fief clubiste Bab Jédid, où il est accueilli chaleureusement par les joueurs illustres de l’époque (Khaled Touati, Sayed Bargaoui, Hédi Bayari….). Il n’en faut pas plus pour le petit garçon âgé de six ans— nous sommes en 1984— pour tomber dans la nacelle des "Rouge et Blanc". L’aventure va commencer pour ne plus s’arrêter. Le derby de la capitale diffusé, le 5 mai 1985, à la télévision marque un véritable tournant dans la vie du jeune garçon qui, les yeux rivés sur la petite lucarne, est en extase devant les cinq buts encaissés par l’équipe adverse. Le supporter en herbe qui passe une grande partie de l’année avec ses parents en France a , depuis, de plus en plus du mal à supporter le retour au pays d’accueil qui l’arrache du giron de son équipe favorite.
De retour définitivement en Tunisie, le jeune garçon se rend régulièrement au stade et ne rate aucun match du CA, au grand dam de ses parents qui commencent à craindre que cette passion ait une influence négative sur ses études. "Je disais à mes parents que j’allais chez mes amis et je me rendais en cachette au stade", observe le jeune homme sympathique et menu, un sourire nostalgique sur ses lèvres. Quelques années après, le bonheur est au rendez-vous au cours de cette saison sportive de 1989. Le Club Africain qui occupe, au cours de cette année, la première place ex-æquo avec l’Espérance de Tunis et qui brigue le championnat, après une dizaine d’années de disette, joue un match capital face à l’Avenir Sportif de La Marsa (ASM). Le but consenti sur un coup franc de Kaïs Yaâcoubi soulève le virage nord. La joie est totale. "A l’époque, il n’y avait pas de gradins au stade. Nous étions collés contre les grillages, les yeux rivés sur le terrain de foot. J’étais tellement heureux, ce jour-là, que je suis rentré à la maison à pied de La Marsa".
Seïfallah se souvient aussi, avec amusement, de cet autre match retard de Coupe de Tunisie qui opposait le Club Africain et l’équipe de Grombalia. Ce jour-là, le jeune garçon, qui était en première année secondaire, a fait l’école buissonnière pour pouvoir assister au match. Il se retrouva nez à nez avec...son professeur venu lui aussi soutenir son équipe préférée. "Le Club Africain avait marqué. Fou de joie, un supporter assis derrière moi m’enlace. Quelle n’a été ma surprise de voir mon professeur qui, lui aussi, a manqué le cours pour venir assister au match".
Les moments d’intense bonheur liés à la vie du club s’enchaînent. Au cours de la phase retour du championnat de l’année 2007, Les «Rouge et Blanc» remportent le match qui les oppose aux «Sang et Or», ce qui suscite une immense joie chez les supporters clubistes. "Au cours de la semaine qui a précédé ce derby, je n’ai dormi en tout et pour tout que dix heures. En effet, j’ai passé des nuits blanches avec les autres membres du groupe de supporters à préparer la dakhla de ce match. On ne dort jamais la veille d’un derby. Nous autres supporters, nous avons passé une nuit blanche avant de nous rendre au stade à six heures du matin pour tout mettre en place. Quant aux jours qui ont suivi le match, nous avons organisé tous les jours une soirée chez l’un ou l’autre des supporters pour célébrer la victoire du Club Africian sur l’Espérance".
Le jeune adolescent, qui se passionne aussi pour les autres disciplines, n’arrive pas, toutefois, à admettre les défaites cuisantes subies par son équipe fétiche. Le match choc inoubliable reste incontestablement celui qui a opposé, l’année dernière, Hammam-Sousse au Club Africain. Le camouflet infligé par cette équipe régionale, classée parmi les dernières du tableau et qui est montée pour la première fois en Ligue 1, cause la stupéfaction générale au sein du public clubiste, atterré par le résultat affligeant de 4 à 0. Désabusé, le jeune homme déserte pendant deux mois le quartier général des Clubistes, ne supportant plus de voir ses amis, ainsi que les habitants du quartier de Bab Jédid où il réside et qui ne feraient que lui rappeler la déconfiture de son équipe fétiche. Des sacrifices, le supporter en a, par ailleurs, consenti comme ce jour où il présente sa démission à son patron, car ce dernier a refusé de lui accorder une autorisation pour assister au derby traditionnel, Espérance-Club Africain, qui a eu lieu au cours du championnat de l’année 2006.
Aujourd’hui, Seïfallah porte plusieurs casquettes. Membre du bureau directeur, délégué de l’équipe minime des moins de quinze ans, il fait aussi partie de la commission de contrôle des accès du stade et est également modérateur du forum électronique du Club Africain. Et depuis sa création, il a envoyé plus de dix mille messages, soit plus de 2.500 messages par an. «90% de mes communications téléphoniques portent sur les nouvelles concernant le Club Africain. J’écris six à sept messages par jour sur le forum. Je connais tous les scoops que je communique aux supporters. Je tiens même une médiathèque dans laquelle je conserve des photos d’archive datant des années soixante-dix. Bref, je suis un amoureux inconditionnel de ce club».
I.H.