Avec ses airs de caporal en mal de reconnaissance, coincé dans une quête dont personne ne saisit les mobiles, le Roger ne semble s’épanouir que dans l’entêtement d’avoir raison. Le bonhomme, avec sa voix évasive, et par moments caverneuse, la science toujours infuse et le regard sciemment transcendant, il épluche sa pensée unique comme il rompt le pain à une horde de faméliques illettrés ! A chaque annonce de liste (joueurs sélectionnés), il prend à contre-pied toute la Tunisie sportive et également son pied ! Ne cherchez pas à comprendre ! "Roger la science", il comprend tout et c’est suffisant ! Il ne se prend pas pour de "lemerrede", le Roger !
Même sous les tirs croisés, il ne bronche point, tout juste s’il prend la peine de dégager en touche du bout des orteils. Logique hermétique, imperméable à toute interaction ! Comme Joseph Goebbels pour la culture, "Roger la gâchette" sort son revolver dès qu’il entend le moindre avis contraire ! Il troue la peau des contradicteurs, tous des foutus hors-la-loi ! Il y a du "divin" au bout de son flingue.
En effet, il ne parle pas, il psalmodie des professions de foi, le verbe messianique et la posture orthodoxe. Les versets dont il se fend sont un chapelet de dogmes qu’il égrène mécaniquement, la ferveur en moins. Que de reliques verbales monocordes et impénétrables ! A nous le chemin de croix, à lui le saint suaire, son hérésie cathodique n’a d’égale que son hétérodoxie médiatique ! Médiatiquement athée, pourtant il ne comprend pas pourquoi nos bons vieux plumitifs, apostats canonisés à la désinformation et apôtres sans foi ni loi, rechignent à se reconvertir à ses Amen tactiques ! Il y a un dieu omnipotent derrière la carcasse, il suffit juste de gratter un peu ! Nul n’est prophète en son pays, dit-on ! Nous sommes heureux que Saint-Roger soit parmi nous, sinon nous ne serions qu’un ramassis de païens, écartés à la fois du droit chemin et du droit au but !
Les conférences de presse ? Interroger Roger c’est presque un moment d’anthologie !"Roger la science" en convoque quelques unes comme il expédie une corvée, un mal parfois nécessaire qu’il daigne consentir avec dégoût et arrogance. Il a l’art de répondre aux questions que personne n’a posées. Parfois même la réponse n’est rien d’autre qu’un redressement inquisiteur des sourcils quand il ne s’agit pas d’un rictus équivoque. Il est fort dans l’éloquence gestuelle, il y a toujours une lèvre, une main, un menton ou une paupière pour prendre lieu et place de la parole, il en étale toute la palette : Du grimace bouillant au froncement du front, en passant par le faux langage des bras et les insondables battements des cils. N’aurait-il pas raté sa vocation, le Roger ? Je le vois bien faire un tabac dans le théâtre mimique.
C’est archi-connu, la meute médiatique horripile l’oncle Roger. Forcément, les journalistes tunisiens ne sont que de vulgaires gratte-papier, un essaim de grotesques plumitifs que Roger l’Amer condescend daigner consentir à rencontrer juste pour sacrifier aux convenances et dérouler ostensiblement et non moins sournoisement son mépris. C’est carrément de l’auto-psychanalyse : Il s’exorcise en déchargeant sur les journalistes tunisiens les stigmates intérieurs causés naguère par la presse hexagonale. Il a été coupé en rondelles par celle-ci (A tort ou à raison, là n’est pas la question), il met au pilori celle-là. Dans sa quête de reconstruction interne, il se démène pour clouer le bec d’ici tellement on lui a rabattu les oreilles là-bas ! Le Roger peut s’en arroger le droit et se corriger la trajectoire !
Le mec ne rie jamais, ne glousse même pas, et quand il lui arrive d’esquisser l’ébauche d’un furtif sourire, on dirait qu’il se flagelle, tout grince en lui ! Rien que les dents de Lemerre, toujours serrées comme pour étouffer une intrépide bouffée de convivialité. Même dans les moments d’intense joie, quand d’autres se déchirent d’euphorie, le bon vieux Roger donne la désagréable impression qu’il sort tout droit d’un enterrement !Encore un peu et les condoléances fusent ! La seule fois où nous l’avons surpris infidèle à son image, c’était le jour où la Tunisie du football avait grimpé au toit de l’Afrique en Février 2004. Excepté cet intermède que la TV a figé pour la postérité comme « incident » historique, Roger n’en a aucunement dérogé, un Roger qui concède déroger, ce n’est pas un jeu de mots, c’est un enjeu de maux ! D’ailleurs depuis ce jour, il s’efforce à éviter de se reluquer le faciès au miroir tellement il a honte ! Lui, le Tsar du « lugubre », comment a-t-il pu choir de son trône tristement célèbre et s’arracher un instant d’humaine communion. Le rabat-joie qui joue les trouble-fête, ça ne ressemble guère à Roger Lamerde !
C’est effarant ! Il n’entend même pas la tintamarre des casseroles qu’il collectionne ni le grincement des armoires fédérales que les cadavres infestent. Rien ! Bouché à l’émeri, il n’a que l’écho de sa voix pour unique musique de fond. Il distille l’ennui, la suffisance et la platitude et se la joue sinistre croyant ainsi en imposer.
Ah, les poncifs ! Il manie les clichés sémantiques avec une telle plate dextérité qu’il nous les coupe en tranches ! A la veille de chaque match, il répète machinalement et invariablement les mêmes aphorismes ! Le bougre, dans sa perception des choses, depuis cinq bonnes années qu’il promène ses fesses en Tunisie, Roger n’a commis, en tout et pour tout, que quatre ou cinq phrases. Un vocabulaire à Lemerreguez dont l’Académie Française aurait chopé une syncope grammaticale ou une anémie sémantique ! La Rogerite sévit et décime partout, la Tunisie footballistique en est truffée jusqu’à son moindre langage ! Désormais, c’est le jargon Lemercenaire qui sévit !
Pourtant le caporal dont la coqueluche tricolore esquinte la voix, la voie et la foi, n’est pas Lemerre à boire, mais c’est le Roger à noyer ! Avec son salaire, son sale air, sa sale ère et ses festins solaires, Lemercenaire n’est qu’une soldatesque qui, dans un esprit presque néo-colonialiste mais néanmoins anachronique, prend le peuple sportif tunisien pour un essaim d’incultes indigènes !
Prenez garde, ce sont les dents de Lemerre !